jeudi 25 août 2011

"Le lien entre le plan du gouvernement et le chômage était assez facile à faire"

Invité d'Europe 1 à sa sortie de Matignon le 25 août 2011, François Chérèque est revenu sur les défauts du plan de rigueur annoncé la veille par le Premier ministre.

Intervention de François Chérèque
Rencontre CFDT-François FILLON
Jeudi 25 août 2011


La crise qui touche l’économie mondiale et en particulier la zone Euro fait craindre une
spirale infernale où une faible croissance, un accroissement du chômage, un
alourdissement des dettes publiques, accentuent les difficultés économiques et
sociales que connait la France et la plupart des pays européens.
Les mesures annoncées hier
Dans cette situation, pour la CFDT, les mesures annoncées hier sont décevantes et
déséquilibrées.
Si l’on peut se féliciter d’une remise en cause (très partielle) de certaines niches
fiscales (TVA réduite des parcs d’attractions, application de la CSG au CLCAComplément de libre choix d’activité) et d’un début de rapprochement de la fiscalité
franco allemande sur les entreprises, on  constate que ces mesures n’ont ni de
cohérence économique (coup de rabot supplémentaire sur les niches sans
discernement sur leur efficacité), ni de  cohérence sociale, et ne répondent pas aux
enjeux de la période : relancer l’économie, protéger l’emploi et le pouvoir d’achat des
plus exposés, rétablir de l’équité dans nos systèmes de prélèvement.
- Sur la fiscalité des entreprises : l’effort demandé dans le cadre du rapprochement
franco-allemand est de 1,2 Md d’euros. A comparer avec les 20 Mds de la niche
Copé, ou les 11 Mds de la déductibilité totale des intérêts d’emprunt du bénéfice
des entreprises.
- Sur la fiscalité des particuliers : la taxe temporaire sur les hauts revenus relève de
l’affichage. Elle rapporte le montant tout à fait symbolique  de 200 millions. Alors
qu’il faut refonder la progressivité de l’impôt, en commençant par la création d’une
tranche d’imposition supérieure pérenne.
- La fiscalité de l’épargne : l’augmentation de la CSG sur les revenus de l’épargne et
du forfait social sur l’épargne salarial sont présentés comme un « rapprochement
de la fiscalité de l’épargne sur celle du travail ». C’est une présentation erronée :
les prélèvements libératoires demeurent, y  compris sur l’épargne court terme, et
on alourdit la fiscalité sur l’épargne salariale qui est de moyen/long terme. On
passe totalement à coté d’une vraie réforme de l’épargne qui rétablirait de l’équité
et inciterait à l’investissement long terme.
- Le maintien, pour l’essentiel, des mesures d’exonérations des heures
supplémentaires, continuera d’avoir des effets négatifs sur l’emploi, et pérennisera
les inégalités entre les salariés.
- la taxation des contrats responsables  des complémentaires santé ponctionne le
pouvoir d’achet des salariés de 1,2 Md d’euros en aggravant les difficultés d’accès 2
aux soins. C’est, de plus, contraire à une politique de santé publique. A noter que
la taxation des boissons sucrées est présentée comme une mesure de santé
publique, alors qu’une vraie  politique de santé publique consisterait à limiter le
sucre dans les boissons. Il y a des incohérences importantes dans les mesures
annoncées.
- Enfin rien dans les annonces faites ne répond à l’impérative nécessité
d’accompagner les salariés et les entreprises dans les mutations indispensables
de notre économie vers une nouvelle croissance durable.
Les propositions CFDT
Dans le contexte actuel, pour la CFDT, il y a urgence à agir. Les mesures à prendre
doivent privilégier la croissance, l’emploi, la cohésion sociale… Elles ne doivent pas
occulter la nécessité de réformes structurelles permettant de parvenir à un niveau de
croissance visant, à terme, le plein emploi. Elles doivent aussi prendre en compte le
besoin de convergence des politiques budgétaires, fiscales, économiques et sociales
en Europe et plus encore au sein de la zone Euro.
1. Emploi/Cohésion sociale
Aux situations déjà difficiles, le ralentissement  de l’activité économique risque de
mettre en difficulté sur le plan de l’emploi et des ressources, des salariés et des
entreprises.
La CFDT propose d’agir en quatre directions :
-  L’emploi des jeunes : en soutien aux mesures prises par les partenaires sociaux
durant le premier semestre pour l’accompagnement et le maintien dans l’emploi.
Il conviendrait d’élargir les bénéficiaires du RSA jeunes notamment pour le RSA
activité.
- Des dispositifs « Former plutôt que licencier » pour les entreprises, secteurs
professionnels ou territoires en difficulté économique en tirant toutes les leçons de
la trop faible réactivité et efficacité de ce qui a été fait en 2009.
- Le financement du chômage partiel qui risque de s’accroître dans certains
secteurs notamment industriels (là aussi en en améliorant l’efficacité).
- Une aide sociale en direction des ménages les plus pauvres. Le chômage de
longue durée amène de plus en plus de personnes vers la pauvreté. Des mesures
ponctuelles doivent être prises tant en terme d’aide sociale que
d’accompagnement vers l’emploi.
Pour financer ces mesures la CFDT propose de créer un fonds de type FISO mis en
place en 2009. Ce fond serait alimenté en partie par les  300 millions que l’Etat
s’apprête à ponctionner sur le FPSPP. Il est par ailleurs essentiel de mettre en place 3
une forme de pilotage associant gouvernement et partenaires sociaux afin d’assurer la
meilleure efficacité des dispositifs et des moyens mis en œuvre.
Dans la période, l’Etat doit jouer tout son rôle dans le maintien et le renforcement de
la cohésion sociale. Or, si la réforme de l’Etat lancée en 2007 aurait pu être utile, elle
n’a finalement eu qu’un seul but : diminuer les dépenses publiques. La RGPP,
additionnée à la politique du non-remplacement d’un fonctionnaire sur 2, n’a aboutit
qu’à la désorganisation des services, une baisse de qualité du service public, et une
aggravation des conditions de travail qui génère de la souffrance chez les agents, et
de fait, d’autres dépenses. Nous demandons  que dans cette période les services
publics et leurs agents soient valorisés, et qu’ils ne servent pas de variable
d’ajustement. En particulier, la règle du « un sur deux » doit être remise sur la table,
ainsi que le blocage de la valeur du point d’indice des fonctionnaires, qui s’ajoutent au
plan de rigueur que vous avez annoncé.
2. Recettes/Dépenses : niches fiscales
- Deux des principales niches fiscales concernent  des taux réduits de TVA :
travaux dans les logements  -5 Mds – et restauration  -3 Mds-. Elles étaient en
partie justifiées par le fait qu’elles devaient contribuer à créer (restauration) ou
blanchir (travaux logement) des emplois. Or divers travaux démontrent que les
effets emploi réels sont minimes.  La CFDT propose de conditionner le maintien
de ces niches à des créations d’emploi effectives, tout en conservant bien
évidemment le financement de l’accord  signé par les organisations syndicales
dans la Restauration.
- Il faut supprimer ce qui reste de la loi TEPA et en particulier les exonérations
sur les heures suppl.  2,9 mds € de cotis, 1,3 Mds € d’IR qui ont un effet
contreproductif sur l’emploi et quasi nul  sur le pouvoir d’achat, accentuent les
inégalités entre salariés.
- Fiscaliser des  avantages familiaux de retraite  rapporterait 0,6 Mds et serait
surtout une mesure de justice sociale  puisque ces avantages croissent avec le
revenu.
- Fiscalité de l’épargne : pour la CFDT  il faut favoriser l’épargne long terme
susceptible d’être investie dans les entreprises. Je l’ai dit en introduction, vos
mesures vont dans le sens inverse.
- Il convient de créer une tranche d’imposition sur le revenu supplémentaire à 50
%. Encore une fois, les 3 % de taxe sur les hauts revenus ne suffiront pas à
résoudre le problème ni à injecter de la justice fiscale dans le système.
- Fiscalité des entreprises : il faut supprimer l’exonération sur les plus-values de
revente de filiales dénommée niche « Copé ». Au-delà des recettes fiscales
envisagées par cette suppression (probablement plus de 5 Mds d’euros), cela 4
dissuaderait les opérations de LBO qui sont parfois dommageables pour les
PME.
Nous sommes persuadés qu’il faut mettre en œuvre une réforme ambitieuse de la
dépendance, comme promis au début du quinquennat. Son financement est possible
par une taxation des donations et successions et l’alignement de la CSG des retraités
sur les actifs. Cette réforme permettrait de soutenir, voire de développer, les emplois
de service à la personne.
3. Croissance économique, politique européenne
La crise de l’été accentue la nécessité de réformes et de politiques structurelles
indispensables pour mettre un coup d’arrêt à  la spéculation et relancer l’activité
économique :
- Au niveau national, il convient de mettre en œuvre plus efficacement les pistes
issues des Etats Généraux de l’Industrie, de poursuivre la démarche « grand
emprunt », d’agir sur les pistes favorables à un accroissement de la compétitivité
(voir travaux des partenaires sociaux)
- Au niveau européen, la stabilité et la consolidation de la monnaie unique est
impérative. Une forme de mutualisation d’une partie des dettes publiques est
vitale, comme est vital le débat sur les exigences vis-à-vis des Etats membres en
contrepartie.
Il manque aux objectifs actuels de la gouvernance européenne (semestre européen,
pacte européen) une dimension « soutien à l’activité économique et au
développement ».
Des projets européens en matière d’infrastructure, d’efficacité énergétique, financés
par des ressources communautaires (euro-bonds,..) seraient de nature à combler ce
manque.
Par ailleurs, le renforcement du socle social européen  (en particulier une garantie
salariale nationale dans chaque Etat) réduirait la concurrence sociale.
La sortie par le haut de la crise n’a qu’une issue : un renforcement des politiques
européennes (budget, fiscalité, économie…).

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